
« 565 millions d’Africains impactés » : Adesina fixe le cap pour son successeur
Le bilan d’Adesina présenté lors d’une rencontre avec les journalistes rappelle les exigences qui s’imposeront au nouveau président dont le processus de sélection est actuellement en cours. Ce dernier devra faire mieux, mais surtout faire plus dans un environnement devenu encore plus complexe.
À l’occasion d’un déjeuner avec les médias en marge des Assemblées annuelles 2025 du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD) à Abidjan, le président sortant, Akinwumi Adesina, a déclaré que les projets réalisés sous son mandat ont transformé la vie de plus de « 565 millions d’Africains », un chiffre qu’il a présenté non comme « une simple statistique, mais comme le reflet d’espoirs concrétisés et de destins changés ».
Adesina a profité de l’occasion pour parler des résultats des High 5, les cinq priorités stratégiques lancées en 2015 pour éclairer, nourrir, industrialiser et intégrer l’Afrique, tout en améliorant la qualité de vie de ses populations. Il a notamment souligné que 128 millions de personnes bénéficient aujourd’hui de services publics améliorés, à l’image du projet de l’usine de traitement des eaux usées de Gabal El Asfar en Égypte, la plus grande d’Afrique, qui dessert 12 millions d’habitants.
Il a également évoqué les 121 millions d’Africains ayant accès à des infrastructures de transport modernisées, comme le pont Senegambia, qui a réduit un trajet de deux jours à seulement 15 minutes, dynamisant ainsi le commerce entre le Sénégal et la Gambie. Sur le plan de la sécurité alimentaire, Adesina a rappelé que 104 millions de personnes ont bénéficié de projets tels que le programme d’urgence de production alimentaire, doté de 1,5 milliard de dollars, qui a permis à 13 millions d’agriculteurs de produire 44 millions de tonnes de denrées alimentaires.
L’accès à des services essentiels s’est également trouvé au cœur des réalisations : 63 millions de personnes disposent désormais d’eau potable, 34 millions bénéficient d’installations sanitaires améliorées, et 28 millions ont accès à l’électricité. À ce sujet, Adesina a partagé l’histoire d’une femme kenyane participant au projet de connectivité de dernier kilomètre, qui a résumé l’impact en une phrase touchante : « Nous étions dans l’obscurité, maintenant nous avons la lumière. » Pour Adesina, ces témoignages incarnent la mission fondamentale de la BAD : transformer des vies, bien au-delà des chiffres.
Au-delà de ces impacts humains, Adesina a mis en avant les transformations institutionnelles majeures réalisées sous son leadership. Il a rappelé l’augmentation spectaculaire du capital de la Banque, passé de 93 milliards de dollars en 2015 à 318 milliards aujourd’hui, ainsi que la reconstitution record de 8,9 milliards de dollars pour le Fonds africain de développement. Il a également célébré les innovations financières, telles que le lancement d’instruments de capital hybride et de titrisation synthétique, qui ont valu à la BAD le titre de meilleure institution multilatérale mondiale.
Adesina a décrit les High 5 comme un véritable « mouvement », adopté par les 81 pays actionnaires lors des consultations pour la stratégie décennale 2024-2033. Cet héritage, a-t-il affirmé, il le transmet avec confiance à son successeur.
Dans ce contexte, le futur président de la BAD devra relever des défis de taille dans un environnement géopolitique complexe. L’Afrique continue de faire face à des obstacles majeurs, aggravés par des dynamiques internationales. Les partenaires traditionnels de la BAD, tels que les États-Unis, réévaluent leurs priorités en matière de développement. L’administration Trump confrontée à des pressions économiques internes, privilégie désormais la sécurité énergétique et les chaînes d’approvisionnement critiques, ce qui se traduit déjà par des coupes de budgets pour des projets d’infrastructure à long terme en Afrique.
Aussi, malgré les progrès réalisés en 10 ans, l’insécurité alimentaire persiste en raison de la dépendance aux importations et des perturbations du climat. Le changement climatique, qui affecte l’Afrique de manière disproportionnée, exige des investissements massifs dans la résilience. Par ailleurs, la mobilisation des ressources internes est freinée par les flux financiers illicites et des systèmes fiscaux fragiles. Enfin, le chômage des jeunes, dans un contexte de forte croissance démographique, alimente les inégalités et les tensions sociales, rendant cruciale la création d’opportunités économiques inclusives.
Le successeur d’Adesina devra donc naviguer dans un paysage géopolitique où les partenaires internationaux, aux intérêts parfois divergents, évaluent la capacité de la Banque à aligner ses projets sur leurs priorités. Il ou elle devra préserver la solidité financière de la BAD, fruit des efforts d’Adesina, pour financer des initiatives ambitieuses comme le sommet Mission 300, qui vise à connecter 300 millions d’Africains à l’électricité d’ici 2030.
Le choix du futur président devra également tenir compte du besoin de renforcer les partenariats avec le secteur privé africain, pour combler les écarts de financement, tout en consolidant la confiance des actionnaires par des résultats mesurables. Alors qu’Adesina fait ses adieux à la BAD, il reste difficile de pronostiquer qui sera son successeur. Dans les coulisses, on murmure que des considérations politiques influencent encore à cette heure le débat.