
Doha-Cotonou : une visite diplomatique au service des ambitions économiques du Bénin
n s’envolant pour Doha dimanche 18 mai, Patrice Talon n’a pas simplement honoré une invitation diplomatique. Le président béninois est allé sonder un partenaire courtisé par de nombreux pays africains. Derrière la visite diplomatique, sobrement relayée, se dessinent des ambitions économiques pour le Bénin et un intérêt croissant de l’émirat pour le continent africain.
À l’invitation de l’Émir Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, le président béninois Patrice Talon a effectué une visite de travail à Doha du 18 au 21 mai 2025. Les deux États ont affiché leur volonté de renforcer leur coopération bilatérale dans des secteurs jugés stratégiques, à commencer par l’aviation et la culture.
Une coopération en gestation
Lors de leurs entretiens, les deux chefs d’État ont salué la qualité des relations bilatérales et identifié plusieurs pistes de collaboration concrète. Parmi elles, on retrouve notamment la mise en place d’une liaison aérienne directe entre Cotonou et Doha, via un partenariat entre Qatar Airways et la nouvelle compagnie nationale béninoise, Amazone Airlines. L’établissement d’une connexion régulière entre les deux capitales a été évoqué comme un levier potentiel pour stimuler le tourisme, les investissements, le transport de fret et les échanges culturels.
Au-delà du secteur aérien, les discussions ont également porté sur le renforcement de la coopération dans le domaine culturel. Les pistes abordées comprennent l’organisation d’expositions conjointes et le développement de partenariats muséaux. Le président béninois a d’ailleurs effectué une visite au Musée National du Qatar.
Un rapprochement inscrit dans une dynamique plus large
Pour Cotonou, cette visite s’inscrit dans une stratégie de diversification de ses partenariats économiques, alors que le pays accélère la mise en œuvre de réformes économiques. Depuis 2016, le gouvernement béninois a engagé plusieurs chantiers de modernisation, de développement d’infrastructures, d’industrialisation et de promotion de l’investissement privé. Selon les statistiques nationales, la croissance économique du Bénin s’est établie à 7,5 % en 2024 contre 6,4% en 2023, alors que le gouvernement table sur une croissance de 6,8 % pour 2025.
« Le Qatar a salué les réformes économiques et sociales audacieuses engagées par le Gouvernement du Bénin depuis 2016, lesquelles ont jeté les bases d’une croissance inclusive et d’une modernisation institutionnelle », peut-on d’ailleurs lire dans le communiqué.
Du côté de Doha, cette visite s’ajoute à une série de rapprochements récents avec des pays africains. Parmi les derniers développements en date, on retrouve la signature début avril d’un accord avec l’Algérie pour le renforcement de leur coopération dans les services de transport aérien. Avant cela, le pays du Golfe a annoncé vouloir investir en Egypte un montant total de 7,5 milliards $, sans préciser les secteurs bénéficiaires. Plusieurs annonces ont été également faites sur de potentielles coopérations avec la Côte d’Ivoire et Djibouti. En 2023, le Qatar, par le biais de son Fonds pour le développement (QFFD), a signé un protocole d’accord pour soutenir l’éducation au Burkina Faso, au Sénégal et au Liberia. Par ailleurs, le pays du Moyen-Orient a joué un rôle de médiation entre la RDC et le Rwanda pour tenter de mettre fin au conflit dans l’est de la RDC.
Selon un rapport d’Afreximbank publié en décembre 2024, les investissements directs des six pays du Golfe sur le continent africain entre 2012 et 2022 ont totalisé 100 milliards de dollars, et le Qatar figure à la troisième place derrière les Émirats arabes unis et l’Arabie Saoudite. D’après Trademap, les exportations africaines vers le Qatar ont totalisé 108 millions $ en 2024 (contre 279 millions $ en 2023). Les importations africaines en provenance du Qatar s’élevaient la même année à 377 millions $ (contre 1 milliard $ en 2023).
Quelle suite pour Cotonou ?
Si la visite de travail de Patrice Talon à Doha a débouché sur la signature de six MoU, elle pose surtout les bases d’un dialogue diplomatique plus structuré. Les deux pays ont réaffirmé leur volonté d’« approfondir les consultations bilatérales » et de coordonner leurs positions dans les enceintes multilatérales. Si ces intentions restent pour l’instant au stade de déclarations, elles pourraient, à terme, permettre la concrétisation de projets communs.
Pour le Bénin, la priorité immédiate semble être la connexion aérienne avec le Qatar, à travers un appui à Amazone Airlines. Si aucune information officielle n’est encore disponible à ce sujet, il faut rappeler que le Bénin avait déjà annoncé en 2019 son intention de se doter d’un transporteur national. Ce projet, s’il aboutit, pourrait aider le Bénin à atteindre son objectif d’augmenter le poids du secteur touristique dans l’économie nationale. En attirant annuellement 2 millions de touristes par an, le pays espère porter la contribution du secteur au PIB à 13,4 % d’ici 2030, contre 6% actuellement.