
La Guinée reprend une centaine de permis miniers, que va-t-elle en faire ?
En Guinée, le retrait de plus d’une centaine de titres miniers ces derniers jours est le dernier acte en date d’une réforme du secteur minier. Depuis 2021 et l’arrivée au pouvoir de Mamadi Doumbouya, les compagnies sont de plus en plus confrontées à leurs obligations.
Depuis le 9 mai en Guinée, plusieurs décisions gouvernementales privent des dizaines de sociétés minières de leurs permis d’exploitation ou d’exploration. Alors que Conakry n’a pas officiellement détaillé les raisons de ce grand ménage dans le secteur minier, ces décisions créent une incertitude sur l’avenir de cette centaine de titres miniers et soulèvent plusieurs hypothèses.
Officiellement, les permis retirés font « gratuitement » leur retour dans le domaine de l’Etat. Mais à en croire plusieurs experts, la situation n’est pas aussi simple. Deux scénarios se dessinent sur le plan juridique. Pour les permis ne faisant l’objet d’aucun contentieux, une procédure de réattribution est possible. Elle peut consister à octroyer les projets selon le principe du « premier arrivé, premier servi » pour les permis qui n’hébergent pas de gisement connu, ou en un appel d’offres concurrentiel pour les zones renfermant un gisement identifié.
« Avec ce retrait massif des titres miniers, notamment des permis d’exploitation et concessions, le ministère des Mines devra lancer un appel d’offres avant de réattribuer les périmètres initialement visés par lesdits titres d’exploitation minière », explique Hamidou Dramé, avocat au barreau de Guinée.
En revanche, les permis dont les titulaires s’estiment lésés pourraient retarder toute réattribution. Selon Me Dramé, les sociétés concernées ont la possibilité de formuler un recours gracieux auprès de l’administration minière ou de demander l’annulation des décisions auprès des autorités judiciaires en Guinée. Les titulaires de titres miniers se sentant lésés peuvent également enclencher une procédure d’arbitrage sur le plan national ou international.
Une analyse que partage Baptiste Rigaudeau, avocat au Barreau de Paris, qui ajoute que les traités bilatéraux d’investissement signés par la Guinée avec des pays d’origine éventuels des sociétés concernées peuvent offrir des protections contre l’expropriation illégale. En Tanzanie par exemple, plusieurs compagnies ont pu obtenir des dizaines de millions de dollars d’indemnisations ces dernières années, après le retrait en 2018 de plusieurs titres miniers par le gouvernement.
À ce jour, les autorités n’ont pas précisé combien de titres seraient concernés par un appel d’offres ni publié de calendrier pour leur réattribution. En attendant, le flou qui entoure le retrait massif de ces permis crée une incertitude juridique et peut nuire au climat des affaires. D’un autre côté, Conakry semble vouloir assainir le cadastre minier en supprimant les titres restés inactifs pendant des années.
Sans communication transparente sur les critères de retrait, cette opération pourrait affaiblir la confiance des investisseurs, à un moment où la Guinée suscite de plus en plus leur intérêt. Classée en 2020 comme la juridiction minière la plus attractive au monde en matière de potentiel minéral par le Fraser Institute, grâce à ses réserves d’or, de bauxite et de fer, le pays s’impose dernièrement comme une destination minière privilégiée en Afrique de l’Ouest. Reste à savoir si la Guinée transformera cette reprise de contrôle en levier pour stimuler l’investissement dans l’exploration, ou si elle devra faire face à des contentieux.