Pétrole : le Nigeria mise sur ses champions locaux

Pétrole : le Nigeria mise sur ses champions locaux

Des producteurs nigérians relancent des champs abandonnés par les majors et investissent massivement. Ce virage pourrait renforcer la souveraineté énergétique du pays, à condition de surmonter l’insécurité, le vol de brut et les infrastructures dégradées.

Au Nigeria, une nouvelle génération de producteurs pétroliers locaux est en train de rebattre les cartes du secteur. À la faveur du retrait progressif des majors internationales comme Shell, ENI ou ExxonMobil, ces entreprises nigérianes prennent le relais et s’imposent comme les nouveaux moteurs de croissance. Désormais, elles assurent plus de la moitié de la production nationale de brut, contre environ 40 % il y a quelques années.

Cette montée en puissance s’accompagne d’investissements ambitieux. Renaissance Africa Energy, qui a récemment acquis les actifs onshore de Shell, prévoit de mobiliser 15 milliards de dollars sur cinq ans pour développer sa production de pétrole et doubler ses volumes de gaz. De son côté, Seplat Energy, après avoir repris les actifs en eaux peu profondes d’ExxonMobil, compte injecter 320 millions de dollars cette année pour rouvrir 400 puits et faire passer sa production à 140 000 barils par jour. D’autres acteurs comme Green Energy ou Conoil du milliardaire Mike Adenuga ne sont pas en reste.

Le premier vient de lancer Otakikpo, le tout premier terminal pétrolier onshore conçu et opéré localement, tandis que le second a récemment expédié une cargaison de la nouvelle variété de brut nigérian dénommée Obodo, produite dans le delta du Niger.

Ce dynamisme local traduit une volonté de réappropriation des ressources nationales. Il s’inscrit également dans une stratégie plus large du gouvernement visant à renforcer le contenu local et à faire émerger des champions nigérians dans le secteur énergétique.

Les opportunités sont réelles. Les actifs rachetés aux majors restent largement sous-exploités, offrant une marge de progression importante, notamment sur les petits champs délaissés pour des raisons de rentabilité ou de sécurité.

Mais cette reprise en main ne se fait pas sans risques. En héritant de ces actifs, les entreprises nigérianes prennent aussi en charge les défis que fuyaient les majors que sont l’insécurité persistante, le sabotage des pipelines, le vol de brut, les conflits communautaires, les infrastructures vétustes. Ces facteurs gonflent les coûts d’exploitation et mettent à l’épreuve la capacité financière et technique de ces nouveaux opérateurs. Cette situation pourrait néanmoins être perçue comme une fenêtre d’opportunité. D’autant que la semaine dernière, le président Tinubu a signé un nouveau décret introduisant une incitation fiscale ciblée sur la réduction des coûts opérationnels dans l’amont, surtout en onshore et en eaux peu profondes.

L’enjeu, pour ces producteurs locaux, est désormais de démontrer qu’ils peuvent produire plus dans des conditions économiquement viables. Leur réussite conditionnera en partie la capacité du Nigeria à atteindre son objectif de porter la production à 2 millions de barils par jour à court terme.

 

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