
La BOAD veut réadapter le financement de l’agriculture et de l’énergie aux défis régionaux
Comment disrupter le financement dans l’agriculture et les énergies dans une zone qui fait face à des défis croissants ? Pour la BOAD, il faut se réinventer et changer de cadence.
La Banque ouest-africaine de développement (BOAD) veut changer de registre. Lors de la première édition des BOAD Development Days tenue du jeudi 12 au vendredi 13 juin à Lomé au Togo, l’institution a affiché une ambition claire : redéfinir les règles du financement du développement en Afrique de l’Ouest.
Énergies vertes, agriculture durable, finance climatique… En deux jours, près de 200 décideurs venus des huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), mais aussi d’Europe, du Maghreb et autres diasporas, se sont rassemblés autour d’un mot d’ordre : innover.
Un changement de paradigme porté par le Plan Djoliba
« Nous nous trouvons à un carrefour stratégique de l’histoire de notre monde » a lancé Serge Ekué, président de la banque, dès l’ouverture des débats, rappelant que la transition énergétique et l’adaptation climatique sont devenues incontournables pour une région où plus de la moitié de la population n’a toujours pas accès à l’électricité. Pire, 70% de la production électrique de l’Union repose encore sur des centrales thermiques.
Depuis 2021, sous l’impulsion du Plan Djoliba, la banque a orienté ses financements vers des projets plus verts, plus inclusifs et plus résilients. En quatre ans, 39% des investissements approuvés pour la production d’énergie ont concerné les énergies renouvelables. Résultat : 1440 MW de capacité supplémentaire installée via des centrales solaires au Togo, au Burkina Faso, au Sénégal ou en Côte d’Ivoire.
À cela s’ajoutent 163,4 milliards FCFA mobilisés pour des projets d’atténuation du changement climatique, et 79 milliards pour l’adaptation climatique.
Une stratégie verte… et offensive
Mais pour Serge Ekué, il faut aller plus loin. Alors que l’Afrique ne capte que 2% à 3% de la finance climat mondiale comme l’indique l’ancien Premier ministre béninois Lionel Zinsou, « nous devons inventer nos propres outils » plaide-t-il. « Il nous faut sortir des sentiers battus pour imaginer et concevoir des solutions nouvelles » insiste le Président de la BOAD.
L’institution lance ainsi un Fonds Climat de 50 milliards FCFA, une ligne de dette subordonnée verte de 500 millions USD, et teste de nouveaux instruments comme les prêts catastrophes (PACAN) au Bénin, au Togo, au Sénégal et en Côte d’Ivoire. « L’avenir ne peut plus être piloté avec les instruments d’hier » insiste le banquier béninois.
Son ambition ? Faire de la BOAD un « orchestrateur systémique » du développement régional, capable de mobiliser à grande échelle, d’innover à contre-cycle et de répondre aux défis climatiques avec des produits adaptés aux réalités africaines. « Nous voulons faire de la BOAD un orchestrateur systémique du développement régional, capable de mobiliser massivement les ressources nécessaires aux priorités des États de l’UEMOA ».
Agriculture durable : produire plus, mieux et localement
L’autre grand axe abordé lors de ces BOAD Development Days est l’agriculture. Dans les pays de l’UEMOA où le secteur emploie 60% de la population active, les rendements stagnent, les chaînes de valeur restent fragmentées et les aléas climatiques — sécheresses, inondations — menacent la sécurité alimentaire.
« Il nous faut produire plus, mieux, et de manière durable » martèle Ekué. La BOAD soutient déjà des projets d’irrigation durable, d’agriculture climato-intelligente et de transformation agroalimentaire locale. Sur la période 2021–2025, plus de 23 000 PME ont bénéficié de ses financements, en grande partie dans les filières agricoles.
Pour Ambroise Kafando, Directeur de la stratégie et des Études à la BOAD, ces financements ont aussi permis la construction ou la réhabilitation de 3800 km de routes rurales, facilitant l’accès aux marchés pour les producteurs et réduisant l’isolement économique des zones enclavées. « Il faut accepter d’inventer, de tester de nouveaux outils, parfois audacieux, mais toujours adaptés à notre réalité ».
La sécurité : un défi de plus en plus important
Sans stabilité néanmoins, aucune politique de développement ne tient. « Parmi tous les chocs, la crise sécuritaire mérite une attention particulière » avertit le ministre togolais de l’Économie et des Finances, Essowè Georges Barcola. L’instabilité au Sahel, les conflits armés ou les tensions politiques freinent les investissements, fragmentent les territoires et exposent les populations les plus vulnérables. En filigrane, les BOAD Development Days ont donc aussi été une tribune politique, avec pour message : pas de souveraineté énergétique ni alimentaire sans sécurité.
Un premier forum à fort impact
En quatre ans, la BOAD a injecté 3300 milliards FCFA dans les économies de l’Union, et même 4510 milliards si l’on inclut les ressources mobilisées auprès de partenaires extérieurs — soit 137% de son objectif initial. Le Plan Djoliba affiche à la mi-2025 un taux d’exécution de 98,8%.
Au-delà des chiffres, l’institution doit désormais jouer un rôle fédérateur. « Il nous faut innover, collaborer, mutualiser nos efforts » résume Barcola. À Lomé, ce laboratoire d’idées qu’est le forum pourrait donc bien devenir un accélérateur d’initiatives régionales.