Intelligence artificielle : le marché africain croîtra de 27 % par an d’ici 2030, à 16,5 milliards $ (Mastercard)

Intelligence artificielle : le marché africain croîtra de 27 % par an d’ici 2030, à 16,5 milliards $ (Mastercard)

Le rapport souligne que l’intelligence artificielle peut devenir un puissant catalyseur de la transformation économique du continent, même si beaucoup reste à faire en matière de déploiement des infrastructures, de maîtrise des données, de formation des talents et d’adoption de cadres de gouvernance adaptés aux contextes locaux.

La taille du marché de l’intelligence artificielle (IA) en Afrique devrait passer de 4,51 milliards de dollars en 2025 à 16,53 milliards en 2030, soit une croissance moyenne projetée de 27,42% par an, selon un rapport publié le mardi 5 août 2025 par le géant américain des paiements Mastercard.

Intitulé « Harnessing the transformative power of AI in Africa », le rapport précise que les initiatives en matière d’IA devraient générer environ 230 millions d’emplois d’ici 2030 rien qu’en Afrique subsaharienne, même si la pénurie de talents dans ce domaine persiste en dépit du lancement de plusieurs programmes de formation de professionnels locaux tels que Deep Learning Indaba et Artificial Intelligence for Development (AI4D Africa).

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Alors que l’intelligence artificielle transforme les économies du monde entier, créant des opportunités d’innovation, de croissance et d’impact social positif, l’Afrique est particulièrement bien placée pour exploiter cette technologie au service d’un développement transformateur, notamment en matière d’inclusion financière, de réduction des écarts de richesse et d’amélioration de la production. Cela s’explique essentiellement par les caractéristiques démographiques et économiques uniques du continent. A titre d’exemple, l’Afrique détient 60 % des terres arables de la planète et dispose de la population la plus jeune du monde, avec un âge médian de 19 ans.

Le développement de l’IA est déjà en train de transformer des secteurs clés en Afrique, notamment la finance, la santé, l’agriculture, l’énergie et le développement urbain, tout en répondant à certains des défis les plus urgents dans la région. Plusieurs exemples convaincants illustrent les possibilités offertes. Au Ghana, l’agritech Farmerline a permis d’augmenter la productivité des champs de 30 % en fournissant des informations météorologiques et commerciales actualisées grâce à des modèles basés sur l’IA. Dans le domaine de la finance, des sociétés kényanes comme M-Pesa et M-KOPA déploient des modèles de notation de crédit basés sur l’IA pour accorder des prêts aux populations exclues du système financier traditionnel. Les banques centrales de la région du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) utilisent aussi l’IA et le Big Data pour améliorer les prévisions économiques, l’analyse financière et la surveillance bancaire.

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Sur un autre plan, des plateformes telles que Rising Academy Network (RAN) utilisent des solutions basées sur l’IA pour évaluer le niveau des difficultés d’apprentissage des élèves au Rwanda, en Sierra Leone, au Liberia et au Ghana.

Des outils basés sur l’IA, tels que les chatbots et les modèles de diagnostic déployés par des Healthtechs comme Babylon (Rwanda), ont amélioré l’accès aux soins de santé pour des millions d’habitants des zones rurales.

Dans certaines régions reculées du continent, des micro-réseaux électriques contrôlés par l’IA coordonnent efficacement les ressources énergétiques renouvelables, fournissant une énergie propre aux communautés hors réseau. En Afrique du Sud, la compagnie d’électricité Eskom a également adopté des compteurs intelligents basés sur l’IA pour servir les clients ayant souscrit à des forfaits prépayés.

Toutefois, le continent n’a jusqu’à présent fait qu’effleurer la surface de ce qui est possible étant donné que les opportunités restent énormes dans tous les secteurs. Le gisement d’opportunités paraît particulièrement immense dans le domaine de l’inclusion financière (plus de 400 millions d’Africains n’ont pas encore accès aux services financiers ou sont mal desservis), de l’agriculture, de l’éducation, de la santé et de l’énergie.

Des investissements sont nécessaires pour débloquer le potentiel de l’IA

Le parcours de l’Afrique en matière d’adoption de l’IA n’est cependant pas uniforme en termes de développement des politiques et des infrastructures. Des pays comme l’Afrique du Sud, l’Egypte, le Rwanda, Maurice, le Kenya et le Nigeria sont à la pointe du développement des politiques en matière d’IA, avec des stratégies et des cadres réglementaires visant à garantir un déploiement éthique de cette technologie.

Plusieurs gouvernements africains ont aussi noué des accords de partenariat avec des acteurs internationaux de renom comme Google, Microsoft et Mastercard pour stimuler l’innovation dans le domaine de l’IA. Les investissements dans ce domaine sont aussi en hausse, avec l’implication de plusieurs géants du secteur comme Google qui s’est engagé à investir un milliard de dollars pour soutenir la transformation numérique sur le continent. En 2023, des fonds de capital-risque ont investi massivement dans les start-up africaines axées sur l’IA : 610 millions de dollars en Afrique du Sud, 218 millions de dollars au Nigeria et 15 millions de dollars au Kenya. Dans cette même optique, des pôles de recherche tels que l’Institut sud-africain d’intelligence artificielle et le Centre international marocain de l’IA ont émergé.

Malgré ces avancées, plusieurs défis subsistent. Les lacunes en matière d’infrastructures, l’accès inégal à Internet et l’absence de cadres de gouvernance complets en matière d’IA freinent les progrès dans de nombreuses régions du continent.

Les capacités des centres de données en Afrique demeurent très faibles au regard des normes internationales. De plus, près de 70% de ces capacités sont concentrées en Afrique du Sud. L’adoption du cloud computing reste modeste en volume sur le continent, même si elle connaît une croissance de 25 à 30 % en moyenne par an.

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D’autre part, un nombre très limité d’universités africaines propose une formation spécialisée en IA alors que des écosystèmes d’intelligence artificielle florissants reposent en premier lieu sur la disponibilité de professionnels qualifiés, notamment des spécialistes en sciences des données, des ingénieurs en apprentissage automatique et des experts capables de traduire les connaissances en IA en applications pratiques.

Sur un autre plan, le manque de diversité linguistique dans les modèles d’IA existants peut affecter la fourniture d’un soutien social et freiner l’inclusivité en Afrique, où plus de 1000 langues sont parlées. D’où la nécessité de construire des modèles d’intelligence artificielle locaux, qui parlent dans les langues locales avec une vision régionale et des nuances culturelles.

Et last but not least, les pays africains devraient permettre l’accès à des données précises, opportunes et pertinentes pour mettre en place des systèmes d’IA efficaces. Actuellement, de nombreux utilisateurs s’appuient sur des algorithmes importés, développés et entraînés à partir de bases de données étrangères, qui ne reflètent pas nécessairement les caractéristiques uniques des populations locales, alors que les agences gouvernementales africaines adoptent encore des processus manuels pour gérer les données ouvertes et évitent le partage de données au-delà des frontières nationales pour des considérations politiques et sécuritaires.

Le rapport fait remarquer par ailleurs que les pays du continent devraient disposer de cadres politiques et de gouvernance de l’IA solides et adaptés aux contextes locaux, car une adoption non réglementée peut exacerber les inégalités, créer des dilemmes éthiques et présenter des risques importants pour la société.

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