
Nigéria : Face aux pressions et à l’injustice dont il dit être victime, l’homme le plus riche d’Afrique a décidé de ne pas se laisser faire.
Le secteur pétrolier nigérian traverse un véritable séisme. Aliko Dangote, l’homme le plus riche d’Afrique, a décidé de rompre son silence habituel pour mener une offensive frontale contre ce qu’il qualifie de système de « rente » et de « sabotage économique ». Ce bras de fer spectaculaire a déjà provoqué la chute des deux principaux régulateurs pétroliers du pays.
L’accusation de « sabotage économique »
Le conflit a éclaté lorsque Dangote a accusé publiquement l’Autorité nigériane de régulation du pétrole (NMDPRA) de miner délibérément la capacité de raffinage locale au profit des importations.
- Licences d’importation massives : Alors que la méga-raffinerie de Dangote (20 milliards de dollars) est prête à répondre à la demande nationale, le régulateur a continué d’émettre des licences pour l’importation de milliards de litres de carburant.
- Conflit de modèles : Pour Dangote et certains analystes, c’est un combat entre le « Contract Oil » (exporter le brut et importer les produits raffinés, enrichissant les intermédiaires) et le « Development Oil » (transformation locale et souveraineté énergétique).
Le déballage : Un scandale de 7 millions de dollars
L’offensive de Dangote a pris une tournure personnelle et dévastatrice lorsqu’il a publiquement interrogé le train de vie de Farouk Ahmed, alors chef de la NMDPRA.
- Frais de scolarité exorbitants : Dangote allègue qu’Ahmed a dépensé plus de 7 millions de dollars pour l’éducation de ses quatre enfants en Suisse, dont 210 000 dollars pour un MBA à Harvard en 2025.
- Incohérence financière : Selon le milliardaire, ces dépenses sont impossibles à justifier avec le salaire d’un fonctionnaire public, estimé à environ 50 millions de nairas par an.
- Pétition officielle : Dangote a déposé une plainte formelle auprès de la Commission indépendante sur les pratiques de corruption (ICPC), exigeant une enquête approfondie sur cet enrichissement illicite présumé.
Un séisme institutionnel : Deux démissions d’un coup
La pression est devenue intenable. Après une réunion de 30 minutes avec le président Bola Tinubu, Farouk Ahmed (NMDPRA) a présenté sa démission. Dans la foulée, son homologue de la Commission de régulation de l’amont (NUPRC), Gbenga Komolafe, a également quitté son poste.
Le président Tinubu a réagi promptement en nommant deux vétérans du secteur pour les remplacer : Saidu Aliyu Mohammed et Oritsemeyiwa Eyesan, une économiste pétrolière chevronnée avec 33 ans d’expérience à la NNPC.
La guerre des prix est déclarée
Sur le terrain, Dangote ne s’est pas arrêté aux plaintes juridiques. Il a lancé une guerre des prix brutale pour briser le monopole des importateurs.
- Chute des prix : La raffinerie a réduit son prix de sortie d’usine à 699 nairas le litre, forçant les dépôts privés à baisser leurs tarifs sous peine de perdre leurs clients.
- Impact sur le marché : Cette baisse a provoqué des pertes estimées à plus de 100 milliards de nairas par mois pour les importateurs dont les cargaisons sont encore en mer, achetées à des prix bien plus élevés.
- Soulagement populaire : Pour les Nigérians, cela s’est traduit par une baisse du prix à la pompe, tombant autour de 740 nairas le litre dans certaines stations.
Conclusion : La démission ne suffit pas
L’Association du Barreau Nigérian (NBA) et divers activistes préviennent : la démission ne vaut pas exonération. Ils exigent que l’enquête de l’ICPC aille jusqu’au bout pour restaurer la confiance dans les institutions.
Comme l’illustre cette crise, l’économie pétrolière du Nigéria est à un tournant. Si l’investisseur est le carburant et le régulateur est l’huile moteur, le mélange actuel a failli faire exploser la machine. Le pays attend maintenant de voir si ce « reset » réglementaire permettra enfin au moteur industriel nigérian de tourner à plein régime sans les frottements de la corruption.

