
Abderahmane Berthé (SG AFRAA) : « L’Afrique ne peut pas se permettre 54 compagnies nationales »
A l’occasion des 81e assemblées générales de l’IATA, tenues à New Delhi en juin 2025, l’Agence Ecofin s’est entretenue avec Abderahmane Berthé, secrétaire général de l’Association des compagnies aériennes africaines (AFRAA). Défenseur infatigable de l’intégration aérienne du continent, il revient sur les avancées, les blocages persistants et les réformes indispensables pour rendre l’aviation africaine plus compétitive. Entre fiscalité, fragmentation du ciel, faible rentabilité et ambition de consolidation, M. Berthé livre une analyse sans détour des défis structurels du secteur, tout en appelant à une coopération renforcée et à une volonté politique ferme pour faire décoller durablement le transport aérien africain
Lors de ces assemblées, nous avons observé une faible représentation des compagnies africaines… Qu’est-ce qui pourrait expliquer cet état de choses ?
Abderahmane Berthé : Il faut noter que de nombreuses compagnies africaines ne sont pas membres de l’IATA, tout simplement parce qu’il y a des conditions strictes à remplir pour y adhérer. L’une des principales exigences, comme l’a rappelé récemment le Directeur général de l’IATA lui-même, c’est la certification IOSA (IATA Operational Safety Audit, ndlr), qui est une norme internationale en matière de sécurité aérienne.
Aujourd’hui, à ma connaissance, une vingtaine de compagnies africaines seulement sont membres de l’IATA. En revanche, à l’AFRAA, nous comptons 46 membres, dont certains ne sont pas certifiés IOSA, et donc pas éligibles à l’IATA. C’est pour cette raison que nous avons mis en place un programme d’assistance visant à aider nos compagnies membres à obtenir cette certification. Ce programme est financé par la Banque africaine de développement, et il a été conçu dans le cadre de l’initiative du Ciel unique africain, en partenariat avec la CAFAC (Commission africaine de l’aviation civile), l’IATA et l’AFRAA.
Cela dit, la plupart des grandes compagnies membres de l’AFRAA sont certifiées IOSA, et donc également membres de l’IATA. Elles sont représentées lors de ces AG.
Quel intérêt trouvez-vous à la participation des compagnies africaines à ces grandes assemblées internationales comme celle de l’IATA ? Est-ce que vos préoccupations ont été prises en compte dans les débats ?
Abderahmane Berthé : Ces assemblées sont importantes. L’IATA, c’est l’organisation mondiale qui fédère les compagnies aériennes. Elle dialogue avec des institutions internationales comme l’OACI sur des enjeux majeurs, notamment la durabilité environnementale, qui affecte directement le transport aérien.
Cette année, par exemple, l’Assemblée générale de l’OACI aura lieu fin septembre à Montréal, et l’IATA y participera, tout comme nous. Lors de ces rencontres, l’industrie peut proposer des documents de travail sur des sujets très concrets : l’introduction des carburants durables (SAF), les objectifs de neutralité carbone d’ici 2050, etc.
Or, même si nous adhérons à ces objectifs climatiques, il faut rappeler que le coût du SAF est extrêmement élevé. Les compagnies européennes ou américaines, qui sont bénéficiaires, peuvent se permettre cette transition. Ce n’est pas le cas des compagnies africaines, qui pour la plupart ne génèrent pas de bénéfices. Elles ne pourront pas adopter le SAF sans un soutien financier solide.
« Même si nous adhérons aux objectifs climatiques, il faut rappeler que le coût du SAF est extrêmement élevé. Les compagnies européennes ou américaines […] peuvent se permettre cette transition. Ce n’est pas le cas des compagnies africaines. »
Sur la fiscalité par exemple, un point important a été soulevé ce matin : la question de la taxation internationale des compagnies aériennes. Les Nations Unies travaillent sur une nouvelle formule. Jusqu’ici, les compagnies étaient taxées uniquement dans leur pays de siège, sur leurs résultats globaux. Mais désormais, la proposition est de les taxer par pays d’activité, en exigeant qu’elles déclarent leurs résultats nationaux.
Autrement dit : si une compagnie réalise du chiffre d’affaires dans un pays, ce pays pourrait désormais la taxer directement sur les bénéfices générés localement. Cela change radicalement la donne.
« Les compagnies étaient taxées uniquement dans leur pays de siège, […]. Mais désormais, la proposition est de les taxer par pays d’activité, en exigeant qu’elles déclarent leurs résultats nationaux. »
Cette réforme vous semble-t-elle applicable ? Pensez-vous que les grandes puissances vont suivre ?
Abderahmane Berthé : C’est une réforme qui sera portée par les États. Une fois adoptée par les Nations Unies, elle pourrait devenir un standard international. Et je pense que de nombreux pays africains y verront un intérêt, notamment ceux qui n’ont pas de compagnie nationale, mais qui accueillent des compagnies étrangères très actives comme Emirates ou Qatar Airways. Cela pourrait générer des revenus pour ces États.
Mais bien sûr, cela pourrait représenter un manque à gagner pour les pays dont les compagnies sont très présentes à l’international. C’est une évolution majeure, et elle a été discutée en profondeur durant ces assises.
Quel est, selon vous, le bilan global du transport aérien africain à l’issue de l’année 2024 et en ce début 2025 ? Quelles tendances se dégagent ?
Abderahmane Berthé : Globalement, les tendances sont très positives. En termes de trafic, nous avons désormais dépassé les niveaux enregistrés en 2019, avant la pandémie de Covid-19. Cela marque un véritable retour à la croissance pour le secteur.
« En termes de trafic, nous avons désormais dépassé les niveaux enregistrés en 2019, avant la pandémie de Covid-19. »
Mais malgré cette reprise, plusieurs problèmes structurels persistent. La connectivité intra-africaine reste insuffisante, et le paysage aérien demeure extrêmement fragmenté. Il y a trop de compagnies aériennes en Afrique qui n’ont ni coordination ni coopération stratégique. Cette absence de synergie limite notre compétitivité.
À cela s’ajoute une fiscalité lourde. Les niveaux de taxes et de redevances restent très élevés sur le continent. Des initiatives ont cependant été lancées, notamment au sein de la CEDEAO. Un projet important prévoit une réduction de certaines taxes à partir du 1er janvier prochain. Si cette réforme est appliquée, elle pourrait servir d’exemple aux autres régions africaines.
« Les niveaux de taxes et de redevances restent très élevés sur le continent. »
Un autre point critique concerne les coûts d’exploitation : ils restent élevés pour les compagnies, que ce soit au niveau des aéroports, du carburant ou des services. Le faible volume de trafic empêche l’amortissement des infrastructures, ce qui renchérit les coûts unitaires.
Résultat : les billets d’avion sont souvent trop chers pour les citoyens africains. Or, dans nos pays, le PIB par habitant reste faible. L’accès au transport aérien est donc encore un véritable défi de mobilité et d’inclusion.
Au-delà de ces contraintes, qu’est-ce qui freine encore l’investissement dans le secteur aérien en Afrique, que ce soit en matière de financements ou d’acquisition d’avions ?
Abderahmane Berthé : Le frein principal, c’est la perception du risque. Le transport aérien est un secteur extrêmement capitalistique. Il nécessite des ressources importantes à toutes les étapes : création d’une compagnie, achat d’aéronefs, infrastructure, maintenance, etc.
Quand un État peut soutenir financièrement une compagnie, on observe des progrès. Mais nos gouvernements ont d’autres priorités – santé, éducation, sécurité… Lorsqu’une compagnie sollicite un financement auprès d’une banque, celle-ci va d’abord vouloir évaluer le risque : est-ce que son argent sera remboursé ? Et malheureusement, beaucoup de compagnies africaines ne sont pas rentables aujourd’hui. Très peu génèrent des profits suffisants pour rassurer les investisseurs.
Pour accéder aux financements, il faut donc d’abord rendre les compagnies solides financièrement, avec des bilans crédibles et un business plan attractif.
« Pour accéder aux financements, il faut d’abord rendre les compagnies solides financièrement, avec des bilans crédibles et un business plan attractif. »
Que fait l’AFRAA pour faciliter l’accès au financement pour les compagnies ?
Abderahmane Berthé : Nous avons justement développé un projet en partenariat avec la Banque africaine de développement (BAD). L’idée est la suivante : lorsqu’une compagnie sollicite un financement, l’AFRAA – via son unité de consulting – réalise un audit de sa situation : évaluation du plan d’affaires, de la capacité de remboursement, des perspectives à moyen terme, etc.
Sur cette base, nous émettons une recommandation technique destinée à la banque, afin de l’éclairer dans sa décision de financement. C’est une forme d’accompagnement structurant, qui permet à la fois de rassurer les bailleurs et de professionnaliser les plans de développement des compagnies.
Le dossier a déjà été soumis à la BAD. Nous attendons désormais la décision finale. Avec l’arrivée d’un nouveau président à la tête de la banque, nous espérons pouvoir relancer la dynamique très prochainement.
En décembre 2024, lors du sommet des chefs d’État de la CEDEAO à Lomé, plusieurs mesures ont été annoncées pour renforcer la compétitivité du transport aérien régional, notamment une réduction de 25 % des redevances de sécurité et la suppression de certaines taxes. Y croyez-vous vraiment ?
Abderahmane Berthé : Je n’ai pas le luxe de ne pas y croire. Cette fois, l’instruction vient directement des chefs d’État. Et cela change tout. En tant qu’experts, nous savons depuis longtemps ce qu’il faut faire. Mais lors des discussions, les vrais décideurs sont souvent absents de la table. Il arrive même que les ministres des Transports n’aient pas l’autorité suffisante, car la question des taxes relève aussi des ministères des Finances. Il faut donc un arbitrage au plus haut niveau. Or, lorsqu’une décision émane des chefs d’État, cela nous donne une chance réelle d’application.
« En tant qu’experts, nous savons depuis longtemps ce qu’il faut faire. Mais lors des discussions, les vrais décideurs sont souvent absents de la table. […] Or, lorsqu’une décision émane des chefs d’État, cela nous donne une chance réelle d’application. »
Cela dit, nous devons rester lucides. L’Afrique a connu par le passé des engagements pris au sommet — je pense par exemple au Marché unique du transport aérien africain (SAATM) ou à la Déclaration de Yamoussoukro — qui n’ont toujours pas été suivis d’effets. Beaucoup d’États signent, mais peu appliquent.
Pourquoi ce manque d’application ou de mise en œuvre, selon vous ? Ces mesures ne sont-elles pas dans l’intérêt de tous ?
Abderahmane Berthé : Cela se résume à un mot : la volonté politique. Parfois, au moment de signer, certains États n’ont pas bien mesuré toutes les implications. Une fois de retour chez eux, des considérations protectionnistes refont surface. Ils se disent : « Si j’ouvre mon ciel, je mets en péril ma compagnie nationale. »
Il faut comprendre que, pour beaucoup de gouvernements, posséder une compagnie aérienne nationale est un symbole de souveraineté. Même si l’État n’a pas les moyens de la financer correctement, il préfère la maintenir coûte que coûte. Or, la libéralisation expose ces compagnies à la concurrence, et donc à des risques de disparition. C’est ce qui s’est produit en Europe et aux États-Unis après la déréglementation : certaines compagnies ont prospéré, d’autres ont disparu.
« Pour beaucoup de gouvernements, une compagnie aérienne nationale est un symbole de souveraineté. Même si l’État n’a pas les moyens de la financer correctement, il préfère la maintenir coûte que coûte. »
Depuis la pandémie, on assiste à un mouvement mondial de fusions et de regroupements : ITA Airways avec Lufthansa, Air India avec Vistara, Korean Air avec Asiana… Les grandes compagnies se restructurent pour affronter la compétition mondiale. Pendant ce temps, le ciel africain reste fragmenté, avec une multitude de petits transporteurs nationaux souvent fragiles, parfois en concurrence sur les mêmes routes peu rentables. Est-ce que vous pensez que l’Afrique peut continuer avec cette logique d’atomisation, ou faut-il au contraire accélérer les alliances, les mutualisations, voire les fusions régionales pour construire des acteurs aériens puissants à l’échelle continentale ?
Abderahmane Berthé : Absolument. À l’AFRAA, nous plaidons depuis longtemps pour la consolidation du secteur. Il est irréaliste de penser que l’Afrique peut faire vivre 54 compagnies aériennes nationales, soit une par pays. C’est un rêve intenable.
« Il est irréaliste de penser que l’Afrique peut faire vivre 54 compagnies aériennes nationales, soit une par pays. »
Nous croyons à la mutualisation et à la création de groupes aériens régionaux solides. D’ailleurs, nous sommes en discussion avec l’AfreximBank pour la mise en place d’un projet structuré de consolidation. Ce ne sera pas facile, car l’Afrique ne dispose pas encore d’un cadre réglementaire unifié comme celui de l’Union européenne, qui facilite les fusions transfrontalières grâce à des règles aéronautiques harmonisées.
Mais nous y travaillons activement. Nous avons présenté un projet à Afrexim dans ce sens. Il faudra harmoniser les cadres techniques, financiers, juridiques… mais c’est une condition incontournable pour bâtir un secteur aérien africain compétitif à l’échelle globale.
En matière d’intégration aérienne, le modèle d’Ethiopian Airlines avec ASKY est souvent cité comme un compromis réussi entre la souveraineté recherchée par les États et la quête d’efficacité industrielle. Est-ce un modèle que vous recommandez ?
Abderahmane Berthé : Le modèle éthiopien est effectivement très performant. Prenez l’exemple d’ASKY : Ethiopian y a investi et a répliqué ce modèle dans d’autres pays, même si ces compagnies partenaires restent de taille plus modeste. Ce schéma, avec une compagnie mère et des filiales régionales intégrées dans un réseau coordonné, est une approche intelligente. Il respecte les exigences de souveraineté des États, tout en favorisant l’efficacité et la connectivité.
Cela dit, personnellement, je pense que l’Afrique devrait viser à terme la création de 5 à 6 compagnies globales de la trempe d’Ethiopian Airlines. Par « globales », j’entends des transporteurs capables de desservir non seulement l’ensemble du continent, mais aussi les grands marchés intercontinentaux – Europe, Asie, Amérique…
« L’Afrique devrait viser à terme la création de 5 à 6 compagnies globales de la trempe d’Ethiopian Airlines […] capables de desservir non seulement l’ensemble du continent, mais aussi les grands marchés intercontinentaux. »
Ces compagnies mères pourraient ensuite s’appuyer sur des transporteurs régionaux ou domestiques, comme le fait Ethiopian, pour densifier la connectivité intra-africaine. Cela contribuerait à structurer un écosystème cohérent, du global au local.
Mais est-ce que la consolidation suffit ? On voit que les compagnies les plus rentables sont souvent spécialisées. Est-ce que l’avenir du secteur ne passe pas par une meilleure spécialisation (fret, low-cost, régional) plutôt que par des compagnies « généralistes » qui veulent tout faire ?
Abderahmane Berthé : Vous avez raison. Il faut réinterroger le modèle économique des compagnies africaines. Aujourd’hui, certaines veulent tout faire : du fret, du régional, de l’international… Or, la réalité économique du continent invite à la spécialisation.
« Certaines compagnies veulent tout faire : du fret, du régional, de l’international… Or, la réalité économique du continent invite à la spécialisation. »
Regardez FlySafair en Afrique du Sud ou Jambojet au Kenya : ce sont des compagnies low-cost régionales avec un positionnement clair. Elles sont rentables parce qu’elles opèrent dans des pays où le volume de trafic est suffisant pour justifier leur modèle. Même chose pour Astral Aviation dans le fret.
Mais cette spécialisation n’est viable que là où le volume existe. En Afrique, c’est là que réside le paradoxe. Le volume reste insuffisant dans la plupart des pays, et donc les coûts unitaires explosent. Ce n’est pas parce que les Africains ne veulent pas voyager, c’est que l’économie du transport aérien ne leur est pas encore accessible.
Est-ce uniquement une question économique ou y a-t-il aussi une dimension sociologique ? Les Africains voyagent peu en avion. Est-ce parce qu’ils ne peuvent pas (capacité financière), ou parce que leurs économies sont trop peu intégrées ?
Abderahmane Berthé : C’est une excellente question. On peut créer du volume, mais cela dépend de plusieurs leviers. Les échanges existent en Afrique : en Afrique de l’Ouest par exemple, beaucoup de gens se déplacent pour le commerce ou la famille, mais utilisent la route, car les billets d’avion sont trop chers.
Si nous réussissions à réduire le coût des billets, une partie de ce trafic routier pourrait migrer vers l’aérien. C’est ce qui s’est passé en Inde : en développant un réseau dense d’aéroports secondaires, des compagnies comme IndiGo ont capté des millions de passagers qui prenaient auparavant la route.
Mais en Afrique, les coûts sont élevés, les charges d’exploitation lourdes, et les revenus par habitant faibles. Cela rend la transition très complexe.
Le modèle low-cost peut-il fonctionner dans ce contexte ?
Abderahmane Berthé : En Afrique, le terme « low-cost » est souvent un abus de langage. Ce que nous avons, ce sont parfois des « low-fare » (tarifs réduits), mais pas des low-cost au sens strict. Car pour être low-cost, il faut que vos coûts d’exploitation soient faibles. Or, chez nous, ils sont élevés : carburant, taxes, infrastructure, etc.
« Pour être low-cost, il faut que vos coûts d’exploitation soient faibles. Or, chez nous, ils sont élevés : carburant, taxes, infrastructure, etc. »
Jambojet fonctionne parce que le Kenya a un réseau domestique actif et une économie suffisamment dynamique. Idem pour FlySafair en Afrique du Sud. Mais dès qu’on sort de ces marchés, les conditions ne sont plus réunies.
Comment relever ce défi structurel ?
Abderahmane Berthé : C’est un défi multidimensionnel. Le transport aérien dépend de l’environnement économique général. Si les économies nationales ne croissent pas, si les politiques industrielles ne suivent pas, le secteur aérien ne pourra pas se développer durablement. En tant qu’expert de l’aviation, je n’ai pas toutes les réponses. Mais ce que je peux dire, c’est que sans une vision globale du développement, on n’arrivera pas à faire du transport aérien un vecteur d’intégration africaine.
« Si les économies nationales ne croissent pas, si les politiques industrielles ne suivent pas, le secteur aérien ne pourra pas se développer durablement. »
L’ouverture du ciel africain ne risque-t-elle pas, comme certains le craignent, de favoriser les compagnies étrangères qui représentent aujourd’hui 80% du trafic africain, au détriment des transporteurs africains ?
Abderahmane Berthé : C’est une erreur d’interprétation fréquente. Le Marché unique du transport aérien africain (MUTAA) concerne uniquement les compagnies africaines. Il vise à faciliter la libéralisation des droits de trafic entre transporteurs africains, et non à ouvrir les vannes aux compagnies étrangères.
« Le Marché unique du transport aérien africain (MUTAA) concerne uniquement les compagnies africaines. »
En parallèle, il existe effectivement des négociations entre États africains et pays non africains. Et c’est là que certains accords bilatéraux aboutissent à accorder des droits de 5e liberté à des compagnies non africaines, leur permettant de faire du cabotage sur le continent. Mais ce phénomène est distinct du MUTAA, qui doit être vu comme un levier d’intégration africaine, pas comme une ouverture incontrôlée.
L’Afrique est souvent pointée du doigt pour son niveau de sécurité aérienne. Comment l’AFRAA s’engage-t-elle sur ce sujet ?
Abderahmane Berthé : En effet, l’Afrique a longtemps été perçue comme un continent à haut taux d’accidents. Mais des progrès notables ont été réalisés, notamment grâce aux objectifs de sécurité d’Abuja, adoptés par les États africains. En 2016, nous étions proches des standards mondiaux.
Cependant, les indicateurs se sont quelque peu détériorés depuis. C’est pourquoi la sécurité aérienne est la priorité stratégique numéro un de l’AFRAA. Nous menons plusieurs projets avec l’IATA pour accompagner les compagnies vers une meilleure conformité et des standards plus élevés. Nous avons aussi nos propres initiatives, en matière de formation, de sensibilisation et d’évaluation.
« En 2016, nous étions proches des standards mondiaux de sécurité aérienne. Cependant, les indicateurs se sont quelque peu détériorés depuis. »
Par exemple, en octobre dernier, nous avons organisé un séminaire en partenariat avec Boeing, entièrement dédié à la sécurité aérienne. Ces efforts vont se poursuivre, car sans sécurité, il n’y a ni marché ni confiance.
En dépit de toutes ces contraintes, comment voyez-vous l’avenir du secteur aérien en Afrique ?
Abderahmane Berthé : Je reste profondément optimiste. Le transport aérien est le seul véritable levier d’intégration du continent. L’Afrique est vaste, ses infrastructures terrestres souvent limitées. L’avion reste le mode de transport le plus rapide pour relier les régions et stimuler les échanges.
« Le transport aérien est le seul véritable levier d’intégration du continent. »
Oui, il y a des défis. Mais le potentiel de développement économique de l’Afrique est immense. Avec le temps, le PIB par habitant va progresser. Les États joueront un rôle central pour structurer des politiques favorables à la croissance de l’aviation. Et les compagnies africaines pourront alors jouer pleinement leur rôle dans le développement du continent.