
Au Ghana, le gouvernement John Mahama annonce une thérapie de choc
Suppressions d’impôts, coupes budgétaires, réformes fiscales et énergétiques : le gouvernement de John Mahama veut restaurer la stabilité financière d’un pays lourdement endetté, sous assistance du FMI et confronté à une croissance en ralentissement et une inflation galopante.
Élu en décembre 2024 sur la promesse d’un redressement économique, le président John Mahama engage le Ghana dans une austérité. Face à une dette colossale – 8,7 milliards de dollars à rembourser d’ici 2028, soit 10,9 % du PIB – et une économie toujours sous assistance du FMI, son ministre des Finances, Cassiel Ato Forson (photo), a dévoilé un budget de rigueur, mêlant coupes drastiques, suppressions d’impôts et réformes structurelles.
« L’état de l’économie ne reflète pas un redressement, mais une détresse profonde, plombée par une dette insoutenable, une mauvaise gestion et un manque de responsabilité », a déclaré M. Forson en présentant, le mardi 11 mars, le budget 2025 devant le Parlement. Une manière de marquer la rupture avec la gestion précédente et de justifier une politique d’ajustement économique qu’il qualifie lui-même déjà de « thérapie de choc ».
Des impôts supprimés mais un cadre fiscal resserré
Parmi les mesures phares, le gouvernement a aboli plusieurs taxes emblématiques, dont la E-Levy, impôt controversé sur les transactions électroniques, la taxe sur les paris, ainsi que la taxe covid-19. Loin d’être une simple concession aux ménages et aux entreprises, cette suppression fiscale s’accompagne de mécanismes compensatoires stricts.
Premier levier : la réduction du plafond des remboursements d’impôts, qui passe de 6% à 4% des recettes totales, générant une économie de 3,8 milliards de cedis (245 millions $). De quoi combler largement le manque à gagner de 1,9 milliard de cedis lié à la suppression de la E-Levy et les 180 millions de cedis de la taxe sur les paris.
Autre axe stratégique : une refonte de l’administration fiscale. Le gouvernement prévoit une réforme de la Revenue Administration Act, avec l’objectif d’améliorer l’efficacité de la collecte et d’accroître de 2% les recettes nettes de l’Etat.
Une nouvelle législation sur les revenus non fiscaux sera également introduite afin d’optimiser la gestion des ressources issues des services publics et des actifs de l’Etat. Par ailleurs, la collecte de la taxe foncière sera rationalisée, afin de renforcer le financement des collectivités locales, indique Accra.
Un Etat réduit à l’essentiel
Mais le véritable électrochoc vient des coupes budgétaires. Le gouvernement réduit le nombre de ministères de 30 à 23 et diminue le nombre de ministres de 88 à 60. L’objectif est de limiter le train de vie de l’Etat et réduire les dépenses de fonctionnement.
Le gouvernement entend aussi supprimer plusieurs programmes qu’il juge coûteux, notamment YouStart, One District One Factory et GhanaCARES, jugés non essentiels dans le contexte budgétaire actuel.
Le ministre Forson a insisté sur la nécessité d’un contrôle rigoureux des finances publiques : toutes les dettes et engagements financiers feront désormais l’objet d’un audit et d’une validation avant tout paiement. Cette rigueur est d’autant plus urgente que le pays doit encore 1,73 milliard de dollars aux producteurs d’électricité indépendants, 68 milliards de cedis (4,4 milliards de dollars) à la compagnie nationale d’électricité, et 32 milliards de cedis à l’organisme de gestion de la filière cacao, Cocobod.
Une refonte du secteur énergétique
L’énergie, secteur clé de l’économie ghanéenne, n’échappe pas à cette restructuration. L’Electricity Company of Ghana (ECG) et la Northern Electricity Distribution Company (NEDCo) devront mettre en œuvre de nouvelles stratégies de collecte des revenus, exigent les nouvelles autorités.
Par ailleurs, les contrats des producteurs d’électricité indépendants (IPP) seront renégociés afin de réduire les charges de capacité et les coûts d’exploitation. Le gouvernement veut également revoir l’Energy Sector Levies Act (ESLA) pour fusionner plusieurs taxes existantes en une seule, dont les recettes seront affectées au remboursement de la dette énergétique.
Un pari risqué sur la stabilité financière
Le gouvernement affiche comme objectifs : ramener l’inflation à 11,9% d’ici fin 2025 et maintenir une croissance du PIB d’au moins 4%. Mais la réalité économique est encore fragile.
La croissance a ralenti au quatrième trimestre 2024, avec une progression annuelle de 5,7%, selon l’Agence nationale des statistiques. L’inflation, bien qu’en baisse, s’élevait encore à 23,1% en février contre 23,5% en janvier, bien au-dessus de l’objectif de 8% fixé par la Banque du Ghana.
L’annonce d’un déficit budgétaire plus élevé que prévu en 2024 a fait chuter les obligations ghanéennes de 1,5 cent sur le marché international, signe de la fébrilité des investisseurs.
Le Ghana, qui doit rembourser 8,7 milliards de dollars d’ici 2028, fait face à une pression croissante pour rassurer les marchés financiers et finaliser la restructuration de sa dette. Le ministre des Finances a néanmoins affiché sa confiance devant le Parlement : « pour ceux qui se demandent comment nous allons couvrir le manque à gagner des impôts supprimés, la réponse est simple : nous avons arrêté l’hémorragie ».
Reste à savoir si cette thérapie de choc permettra au Ghana d’éviter une rechute, ou si, à trop vouloir serrer la vis, le pays ne risque pas une crise sociale et économique encore plus profonde.