BAD: des Assemblées Annuelles 2025 stratégiques pour un nouveau départ

BAD: des Assemblées Annuelles 2025 stratégiques pour un nouveau départ

Les Assemblées Annuelles 2025 de la Banque Africaine de Développement (BAD), prévues du 27 au 31 mai à Abidjan, réunissent les représentants des 81 pays membres. Elles seront marquées par l’élection du successeur d’Akinwumi Adesina, président sortant après deux mandats (2015-2025).

Ces assises se déroulent dans un contexte mondial complexe, où les priorités économiques et géopolitiques se redéfinissent, imposant à la BAD de relever des défis cruciaux pour le développement de l’Afrique. C’est le moment de revenir sur le bilan d’Adesina, les candidats à sa succession, et les missions futures de la BAD dans un environnement global en mutation.

Le bilan d’Akinwumi Adesina : une transformation en profondeur

Lorsqu’Akinwumi Adesina prend les rênes de la BAD en 2015, l’institution est déjà un acteur clé du financement du développement africain. Cependant, sous sa présidence, elle connaît une transformation profonde, consolidant son rôle de moteur du développement continental. Adesina a su amplifier la voix de l’Afrique dans la finance mondiale, comme il l’a souligné dans un entretien exclusif : « La BAD a considérablement amplifié la voix de l’Afrique dans l’environnement financier mondial. »

L’un des faits marquants de son mandat est l’augmentation spectaculaire du capital autorisé de la BAD, passant de 93 milliards de dollars en 2015 à 318 milliards en 2024. Cette hausse, soutenue par des actionnaires régionaux et non régionaux (comme la France, bien que les États-Unis aient été plus réticents), a renforcé la capacité d’intervention de l’institution. Cette solidité financière, illustrée par une note de crédit AAA maintenue, a permis à la BAD d’émettre des obligations durables, comme celle de 2 milliards de dollars en janvier 2024.

Adesina a structuré son action autour de cinq priorités stratégiques, les « High Five » : éclairer et alimenter l’Afrique en énergie, nourrir l’Afrique, industrialiser l’Afrique, intégrer l’Afrique, et améliorer la qualité de vie des Africains. Ces priorités ont donné des résultats concrets :

Énergie : La BAD a lancé la « Mission 300 », en collaboration avec la Banque mondiale, visant à connecter 300 millions de personnes à l’électricité d’ici 2030. En 10 ans, 25 millions de personnes ont été raccordées.
Infrastructures : Des projets comme l’autoroute Abidjan-Lagos ou les corridors routiers reliant le Nigeria à la RDC via le Cameroun ont vu le jour, souvent via la plateforme Africa50, dédiée aux investissements dans les infrastructures.
Agriculture : Avec un engagement de 24 milliards de dollars sur 10 ans, la BAD a promu l’autosuffisance alimentaire et l’industrialisation agricole, réduisant la dépendance aux importations alimentaires, estimées à 35 milliards de dollars par an.
Inclusion : 335 millions de personnes ont bénéficié des programmes de la BAD, notamment dans les secteurs de la santé, de l’eau, et des transports.
Cinq candidats à la succession

L’élection du prochain président, prévue le 29 mai 2025, oppose cinq candidats aux profils variés, chacun proposant une vision pour l’avenir de la BAD. Voici un aperçu de leurs ambitions :

Amadou Hott (Sénégal) : ancien ministre de l’Économie, Hott est perçu comme un continuateur de l’héritage d’Adesina. Sa vision met l’accent sur une BAD plus agile, modernisée, et orientée vers le secteur privé. Il prône l’innovation et les partenariats pour maximiser l’impact économique. Soutenu par des pays comme le Gabon, il incarne la continuité.
Sidi Ould Tah (Mauritanie) : ex-ministre et président de la BADEA, Ould Tah adopte une approche de diplomatie discrète, contrastant avec le style médiatique d’Adesina. Son programme repose sur quatre piliers : résilience climatique, diversification économique, inclusion des jeunes et des femmes, et mobilisation de 400 millions de dollars annuels. Il bénéficie du soutien de pays comme le Congo-Brazzaville et de l’Afrique du Nord.
Samuel Munzele Maimbo (Zambie) : vice-président à la Banque mondiale, Maimbo est un technocrate axé sur la discipline financière et les investissements stratégiques. Sa candidature, soutenue par des milieux anglo-saxons, pourrait séduire les actionnaires non africains, notamment les États-Unis (6,5 % des droits de vote).
Mahamat Abbas Tolli (Tchad) : ancien gouverneur de la BEAC, Tolli met l’accent sur l’énergie verte et l’inclusion financière. Sa candidature peine toutefois à fédérer un bloc régional, notamment au sein de la CEMAC.
Bajabulile Swazi Tshabalala (Afrique du Sud) : seule femme candidate, Tshabalala propose une BAD inclusive, avec un focus sur l’égalité de genre et le soutien aux populations défavorisées. Sa vision pourrait marquer une rupture en termes de priorités sociales.

Cette élection, influencée par les 40 % de droits de vote détenus par les actionnaires non africains, pourrait également refléter un tournant linguistique, avec une possible alternance vers un président francophone après dix ans de leadership anglophone. En effet, alors que les Etats-Unis revoient leur coopération au développement, la France pourrait y voir une nouvelle opportunité pour regagner en influence sur le développement de l’Afrique.

Missions futures dans un contexte mondial en mutation

Les Assemblées Annuelles 2025 interviennent dans un contexte géopolitique et économique tendu, marqué par des tensions protectionnistes, des crises climatiques, et des bouleversements dans les relations internationales. Le futur président de la BAD devra relever plusieurs défis majeurs.

Malgré les progrès, environ 700 millions d’Africains vivent encore dans la précarité, principalement en zones rurales. La BAD devra intensifier ses efforts pour réduire la pauvreté, en s’appuyant sur des projets inclusifs et des investissements dans l’éducation et la santé.

Aussi l’Afrique, bien qu’émettant peu de gaz à effet de serre, subit de plein fouet les conséquences du changement climatique (inondations, sécheresses, etc.). Le Mécanisme Africain de Stabilité Financière (AFSM), lancé en février 2025, vise à renforcer la résilience face aux crises économiques et climatiques en offrant des solutions de refinancement de la dette. La BAD devra également promouvoir les énergies renouvelables, comme les parcs solaires en Afrique de l’Est.

La diversification, tant interne qu’externe, est une priorité. En interne, la BAD peut soutenir la construction d’un marché africain unifié, notamment via la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf). Externellement, elle devra redéfinir ses partenariats pour réduire la dépendance à l’égard des investisseurs traditionnels, dans un contexte où des politiques protectionnistes, comme celles de l’administration Trump, menacent les flux d’investissement.

Enfin, les actionnaires non africains, détenant 40 % du capital, jouent un rôle clé dans les décisions de la BAD. Le prochain président devra naviguer dans un environnement où les priorités des grandes puissances (États-Unis, Europe, Chine) divergent, tout en renforçant l’autonomie financière de l’Afrique. La réforme de l’architecture financière mondiale, défendue par Adesina, reste un objectif central pour mobiliser plus de ressources.

Les Assemblées Annuelles 2025 de la BAD marqueront la fin d’une ère avec le départ d’Akinwumi Adesina, dont le bilan a transformé l’institution en un acteur incontournable du développement africain.

L’élection de son successeur, parmi cinq candidats aux visions complémentaires, déterminera la capacité de la BAD à rester un catalyseur de progrès dans un monde en pleine redéfinition. Les défis à venir – lutte contre la pauvreté, résilience climatique, diversification économique, et navigation géopolitique – exigeront une BAD agile, inclusive, et innovante. Comme l’a déclaré Adesina, « le développement de l’Afrique passe aussi par les Africains eux-mêmes. »

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