Ce que l’ « America First » de Donald Trump va coûter à l’Afrique

Ce que l’ « America First » de Donald Trump va coûter à l’Afrique

Suppression de l’USAID, du MCC, de l’USADF… depuis son retour, Donald Trump veut recentrer l’aide publique américaine. Son budget 2026 annonce des coupes majeures, au nom de l’ «America First » et d’une lutte contre le « dévoiement » des financements internationaux.

La présentation, le 2 mai 2025, des grandes orientations du budget fédéral américain pour l’année 2026 par l’administration Trump soulève de nombreuses interrogations, notamment pour l’Afrique. Derrière les lignes comptables, ce projet budgétaire confirme un tournant majeur dans la posture internationale des États-Unis, avec des répercussions potentielles importantes sur les relations économiques et diplomatiques avec le continent africain.

En première ligne des coupes proposées, figure la suppression de la contribution américaine au Fonds africain de développement (FAD), soit 555 millions de dollars. Ce guichet de prêts concessionnels du groupe de la Banque africaine de développement (BAD) avait pourtant bénéficié d’un engagement de 568 millions $ de la part de Washington lors de sa dernière reconstitution en 2022. Si cette décision n’est pas de nature à compromettre le fonctionnement du FAD sur le court terme, elle envoie néanmoins un signal clair : les États-Unis comptent redéfinir leurs priorités de financement à l’international.

Plus globalement, le projet de budget prévoit une réduction drastique de 83,7 % du financement alloué aux programmes d’État et internationaux soit environ 49,1 milliards $ en moins par rapport à 2025. Le Département d’État, les programmes du Trésor et plusieurs agences internationales, très actives en Afrique, pourraient en faire les frais. Des projets majeurs, notamment dans les domaines de la santé, de l’éducation ou de l’agriculture, risquent ainsi de se retrouver amputés ou paralysés.

La Maison-Blanche justifie cette réorientation en dénonçant ce qu’elle qualifie de dérives idéologiques : « L’aide économique et au développement américaine a été détournée vers des priorités radicales et gauchistes, notamment le changement climatique, la diversité, l’équité et l’inclusion (DEI), et les activités LGBTQ à travers le monde », peut-on lire dans le document budgétaire. L’objectif annoncé est de recentrer l’aide américaine sur les intérêts stratégiques directs des États-Unis, en privilégiant les retombées pour le contribuable américain et en renforçant la sécurité nationale.

Dans ce contexte, plusieurs institutions internationales, historiquement soutenues par les États-Unis, voient leur avenir budgétaire sérieusement menacé. Le budget ne prévoit aucun financement pour les missions de maintien de la paix des Nations Unies, dont une part importante se déroule en Afrique, invoquant des « échecs récents » et « un niveau élevé de contributions demandées ». Les contributions, obligatoires ou volontaires, à l’ONU, l’UNESCO, l’OMS ou encore au FIDA seraient suspendues ou supprimées. L’Organisation mondiale de la santé, par exemple, anticipe déjà une réduction de 40 % de son personnel, conséquence directe du gel des fonds américains.

L’impact pour l’Afrique pourrait aussi se faire sentir sur le plan humanitaire. Le budget prévoit une réduction de 3,2 milliards $ sur les aides en cas de catastrophe, à la migration et aux réfugiés (ERMA). Ces fonds seraient regroupés dans un nouveau compte d’aide humanitaire internationale (IHA) et un fonds ERMA discrétionnaire, financés uniquement lorsque les secours « servent les objectifs de politique étrangère du Président ». Les secteurs de l’agriculture et du climat, eux aussi fortement concernés, perdraient le soutien du programme « Food for Peace », ainsi que les financements américains destinés au Fonds pour l’environnement mondial ou aux Fonds d’investissement climatiques. Autant de leviers d’appui au développement durable, souvent mobilisés en Afrique.

Mais au-delà des coupes, ce projet budgétaire propose également une réorganisation des instruments de financement. L’America First Opportunity Fund (A1OF), doté de 2,9 milliards $, incarne cette nouvelle logique : investir là où l’intérêt stratégique américain est en jeu, notamment pour contrer l’influence croissante de la Chine. Bien que l’Afrique ne soit pas directement citée, elle pourrait être indirectement concernée par ces repositionnements géopolitiques.

Autre signal notable : la consolidation du rôle de l’U.S. International Development Finance Corporation (DFC), dont le budget est augmenté de 2,8 milliards $. Active sur plus de 300 projets africains totalisant plus de 13 milliards $ rien qu’en Afrique, la DFC pourrait devenir le principal bras armé économique de Washington sur le continent, avec un intérêt renouvelé pour les secteurs stratégiques comme les mines.

Par ailleurs, l’administration Trump a annoncé un engagement de 3,2 milliards $ sur trois ans, pour la 21e reconstitution de l’Association Internationale pour le Développement (IDA), le guichet de la Banque mondiale permettant d’accorder des financements concessionnels aux pays en développement. Si cette contribution reste plus faible que les 4 milliards qui avaient été promis par Joe Biden, elle reste un financement très important pour les opérations de la Banque mondiale en Afrique subsaharienne notamment, qui compte le plus grand nombre de bénéficiaires des financements de l’IDA.

Enfin, si certains programmes mondiaux de santé sont concernés par les réductions, le financement du Plan d’urgence du président américain pour la lutte contre le sida (PEPFAR), pilier de la lutte contre le VIH/SIDA, est quant à lui préservé pour les pays actuellement bénéficiaires, confirmant que certains engagements américains restent tenus, dans des domaines jugés essentiels pour la santé publique mondiale… et la sécurité sanitaire des États-Unis.

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