Côte d’Ivoire-Burkina Faso : l’autre duel dans le coton en Afrique de l’Ouest

Côte d’Ivoire-Burkina Faso : l’autre duel dans le coton en Afrique de l’Ouest

L’Afrique de l’Ouest est le principal foyer de la production cotonnière en Afrique. Derrière le Bénin et le Mali qui sont les leaders incontestés, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso se livrent une bataille serrée pour s’imposer durablement sur la troisième marche du podium dans la sous-région.

En Côte d’Ivoire, la filière coton s’est fixé pour objectif de porter sa production de cotons-graines à 550 000 tonnes pour la prochaine campagne de 2025/2026. C’est ce qu’a révélé l’Association professionnelle des sociétés cotonnières de Côte d’Ivoire (APROCOT-CI), à l’occasion du Salon international de l’agriculture et des ressources animales (SARA), qui s’est tenu du 23 mai au 1er juin 2025 à Abidjan.

Cette annonce intervient alors que, trois mois auparavant, le gouvernement burkinabè faisait part de son ambition de hisser également la production nationale à 550 000 tonnes pour le compte de la même campagne, à l’issue d’un Conseil des ministres réuni le 9 avril dernier.
Un concours de circonstances, loin d’être anodin, qui illustre la compétition persistante entre les deux pays voisins, engagés depuis plusieurs années dans une lutte pour la troisième place du classement sous-régional des producteurs de coton, derrière le Bénin et le Mali.
Entre les campagnes de 2020/2021 et 2024/2025, la Côte d’Ivoire a occupé à trois reprises la troisième marche du podium ouest-africain, tandis que le Burkina Faso s’y est hissé à deux reprises notamment en 2022/2023 et 2023/2024.

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Une production en baisse dans les deux pays

Ces performances contrastées révèlent une tendance globale à la baisse de la production dans les deux pays, résultant à la fois de défis partagés à l’échelle régionale et de contraintes propres à chaque contexte national.

D’après les données compilées par le Programme régional de production intégrée du coton en Afrique (PR-PICA), la récolte de cotons-graines au Burkina Faso a chuté de 11,5 % en moyenne par an, passant de 491 000 tonnes en 2020/2021 à 300 000 tonnes en 2024/2025. Sur la même période, celle ivoirienne a affiché une baisse de 10,9 % en moyenne par an, passant de 558 227 tonnes à 351 000 tonnes.

Cette baisse généralisée de la production dans les deux pays peut être attribuée en partie à l’infestation massive de jassides (insectes parasites du coton) dans la plupart des pays producteurs de coton en Afrique de l’Ouest en 2022. L’émergence d’une nouvelle espèce plus invasive, Amrasca Biguttula, aurait occasionné des pertes de production de l’ordre de 30 à 50 % dans la région selon les données officielles cette année-là.

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Cette infestation, inédite par son intensité et sa propagation, a mis en lumière la vulnérabilité des systèmes de production cotonnière face aux pressions entomologiques et au changement climatique. Et si des mesures ont depuis été prises pour gérer cette crise phytosanitaire, la maîtrise de ces ravageurs constitue toujours un casse-tête dans la région, y compris au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire.

Un léger avantage pour la Côte d’Ivoire

En dépit de ce défi commun au niveau régional, les deux pays n’évoluent pas pour autant sur un pied d’égalité. Une analyse des rendements montre que la Côte d’Ivoire affiche une productivité supérieure à celle du Burkina Faso. D’après les données compilées par le PR-PICA, le rendement moyen de coton en Côte d’Ivoire s’est élevé à 954,75 kg/ha entre les campagnes 2020/2021 et 2023/2024, contre 811,5 kg/ha au Burkina Faso. Cet écart suggère une meilleure mise en œuvre des pratiques agronomiques en Côte d’Ivoire, notamment en matière d’utilisation d’engrais et de traitements phytosanitaires.1 rendement

Ce constat est d’autant plus significatif que la superficie moyenne consacrée à la culture cotonnière par an est plus élevée au Burkina Faso (557 777 hectares) qu’en Côte d’Ivoire (430 900 hectares) sur la même période.

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Par ailleurs, le Burkina Faso est confronté depuis quelques années à une insécurité persistante liée au terrorisme dans certaines régions du pays. Cette situation oblige certains agriculteurs à abandonner leurs terres, perturbant les cycles de production et réduisant les surfaces cultivables qui auraient pu être plus importantes.

Le département américain de l’Agriculture (USDA) soulignait par exemple dans son rapport sur la campagne 2023/2024 de coton au Burkina Faso que l’insécurité empêchait aussi les agriculteurs d’accéder aux intrants dans certaines zones de production du pays.

Le gouvernement burkinabè compte d’ailleurs sur une amélioration de la situation sécuritaire et la « reconquête de son territoire » pour la relance de sa production au cours de la campagne cotonnière 2025/2026 à venir. Alors que les promesses de cette nouvelle campagne pourraient redistribuer les cartes, la Côte d’Ivoire conserve un léger ascendant dans la hiérarchie des producteurs ouest-africains de coton derrière le Bénin et le Mali.
Au-delà de cette rivalité bilatérale, c’est toute la filière cotonnière ouest-africaine qui doit renforcer sa résilience, tant face aux défis entomologiques qu’aux incertitudes climatiques, pour préserver sa compétitivité sur le marché international.

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