La BAD encourage le Cameroun à augmenter la pression fiscale à 15% en 2028, pour accélérer son développement économique

La BAD encourage le Cameroun à augmenter la pression fiscale à 15% en 2028, pour accélérer son développement économique

Sur la période 2025-2027, le gouvernement camerounais ambitionne d’augmenter la pression fiscale – la part des impôts dans le Produit intérieur brut (PIB) du pays – sur les contribuables, de manière à la faire passer de 14% à 14,4%, après 13,6% en 2023. Cette projection faite par le ministère des Finances dans le Document de programmation économique et budgétaire à moyen terme 2025-2027, est encouragée par la Banque africaine de développement (BAD), qui exhorte d’ailleurs le Cameroun à atteindre un niveau de pression fiscale de 15% dès l’année 2028, soit deux paliers en dessous le seuil africain de 17%.

En effet, en analysant les « options politiques pour accélérer le développement économique » du Cameroun dans son rapport pays 2025, la BAD suggère au gouvernement « d’accélérer les réformes qui devraient permettre d’atteindre la cible de pression fiscale de 15% du PIB d’ici 2028 ». De l’avis de l’institution financière panafricaine, une telle option permettrait de mobiliser davantage de ressources financières à orienter dans la réalisation des projets de développement.

Pour parvenir à cette fin, la BAD suggère d’ailleurs à l’Etat du Cameroun quelques réformes majeures. Il s’agit d’abord de la « révision de la loi de 2013 pour rationaliser les incitations à l’investissement ». Cette réforme est effective depuis le 18 juillet 2025. En effet, ce jour-là, le chef de l’Etat camerounais a signé une ordonnance modifiant pour la 2è fois après 2017, la loi d’avril 2013 portant incitations à l’investissement privé en République du Cameroun.

Les bienfaits de la digitalisation

L’ordonnance présidentielle met non seulement un tour de vis autour des cadeaux fiscaux jusque-là accordés aux investisseurs, mais aussi impose de nouveaux critères pour en bénéficier. Il s’agit notamment de la création massive des emplois à travers les projets d’investissement a mettre en œuvre, et l’exigence de transformer les matières premières locales.

Ensuite, la BAD suggère au Cameroun la « rationalisation des exonérations de la TVA, suivi des opérations de restructuration d’entreprises – l’électricien Eneo notamment et la raffinerie publique Sonara – le prélèvement complémentaire de 4 FCFA par transaction sur les transferts d’argent, l’optimisation du rendement du droit de timbre d’aéroport par la fixation d’un tarif spécifique pour la classe premium, le renforcement de la fiscalité environnementale du secteur minier, la poursuite de la segmentation de la population fiscale, et le renforcement de la digitalisation » de l’administration.

« L’extension de la digitalisation inclut les actions suivantes : numérisation des contrôles dans les entreprises avec un suivi électronique de la production et de la facturation électronique des entreprises et des opérations de jeux de hasard, télécentres des impôts dans les arrondissements pour adresser le problème de collecte d’impôts au niveau des zones rurales, géolocalisation des contribuables, digitalisation des enregistrements, géolocalisation des interventions de la DGD – direction générale des douanes – et amélioration de l’interopérabilité entre les systèmes internes et régionaux », précise l’institution financière panafricaine.

Grincements de dents

La hausse projetée de la pression fiscale au Cameroun devrait susciter des grincements de dents, notamment dans les milieux d’affaires, qui accusent déjà l’État d’asphyxier les entreprises. Pour illustration, dans une enquête sur le climat des affaires dans le secteur industriel, publiée par le ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (Minepat), 81% des chefs d’entreprises au Cameroun jugent le taux de pression fiscale élevé, 18% le trouvent moyen, et seulement 1% le considèrent faible. Pour Célestin Tawamba, président du Groupement des entreprises du Cameroun (Gecam), la fiscalité des entreprises dans le pays est tout simplement «confiscatoire».

Au demeurant, selon certains experts, le problème de la fiscalité au Cameroun ne réside pas dans la pression fiscale, mais davantage dans l’équité fiscale. Les défenseurs de cette thèse soutiennent que la charge fiscale repose principalement sur un petit nombre de contribuables, en particulier les grandes entreprises, tandis qu’un grand nombre de potentiels contribuables échappent encore au fisc. Dans un rapport de 2021 sur la gouvernance et la corruption au Cameroun, le Fonds Monétaire International (FMI) souligne à cet égard que « les grandes entreprises formelles au Cameroun sont non seulement grevées par un taux d’imposition global élevé, mais aussi soumises à des restrictions exceptionnellement sévères en matière de déductions fiscales ».

L’institution de Bretton Woods fait également savoir que « des charges fiscales effectives élevées sur les bénéfices des entreprises formelles favorisent l’informalité et la déclaration erronée des bénéfices et du chiffre d’affaires ». De ce fait, le FMI propose plutôt aux autorités camerounaises de réduire les taux légaux de l’impôt sur les sociétés, de l’impôt minimum et des systèmes d’imposition forfaitaire et simplifiée prévus dans le Code général des impôts.

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