Le Niger nationalise la mine d’uranium de la Somaïr, codétenue par Orano

Le Niger nationalise la mine d’uranium de la Somaïr, codétenue par Orano

Depuis le coup d’État militaire de juillet 2023 au Niger, le français Orano et les autorités locales s’opposent sur la gestion de la seule mine d’uranium en activité dans le pays. Niamey a bloqué les exportations et écarté du contrôle opérationnel l’ex-Areva, qui a saisi la justice internationale.

La décision est tombée à l’issue du Conseil des ministres du jeudi 19 juin au Niger. Le gouvernement a décidé de nationaliser la Société des Mines de l’Aïr (SOMAÏR), contrôlée jusqu’alors à 63,40 % par le producteur français d’uranium Orano, et à 36,60 % par la société d’État SOPAMIN. La seule mine d’uranium active du Niger entre ainsi dans le giron de l’État.

Selon le compte rendu du Conseil, cette décision s’explique par plusieurs irrégularités constatées dans la gestion de la mine. Niamey estime notamment que l’actionnaire majoritaire a enlevé 86,3 % de la production d’uranium commercialisée depuis la mise en service de la mine en 1971, soit une part supérieure à sa participation dans le projet. En vertu des règles de partage de la production de la SOMAÏR, la SOPAMIN aurait dû récupérer une part de la production au prorata de sa participation dans la mine, au lieu des 9,2 % de parts effectivement enlevées.

Le gouvernement nigérien dénonce aussi des actes posés par Orano visant à arrêter les travaux d’exploitation de la mine, y compris le rapatriement des employés français ainsi que « plusieurs campagnes d’intoxication pour créer des problèmes entre la société, ses fournisseurs, ses clients, ses sous-traitants et ses employés ». Niamey note enfin que la dernière convention minière relative au projet est arrivée à expiration le 31 décembre 2023. Au moment de la publication, le groupe français n’a pas encore réagi à la décision du Niger et aux accusations.

C’est en décembre 2024 que l’ex-Areva a annoncé avoir perdu le contrôle opérationnel de la SOMAÏR, au profit des autorités locales. Les mois précédents, Niamey avait déjà bloqué les exportations du groupe et retiré en juin 2024 à Orano un permis d’exploitation pour un autre gisement d’uranium, celui d’Imouraren. Cette année, le groupe français a aussi dénoncé l’arrestation et la « détention arbitraire » de son directeur-pays, après une perquisition dans les locaux de la société au Niger. Dans ce dossier, Orano affirme par ailleurs avoir lancé des procédures internationales d’arbitrage contre le Niger.

Orano, victime collatérale ?

Il faut souligner que la brouille entre le gouvernement nigérien et Orano est survenue après le coup d’État militaire de juillet 2023, qui a porté à la tête du pays le général Abdourahamane Tiani. Les relations avec la France se sont dégradées dans la foulée, Niamey accusant l’ex-puissance coloniale de soutenir le terrorisme dans le Sahel et plus précisément des actions hostiles à l’égard du Niger. Orano, principalement contrôlée par l’État français, semble donc subir le contrecoup des tensions entre les deux gouvernements.

Niamey assure que les détenteurs d’actions transférées à l’État bénéficieront d’une « indemnité en compensation des actions détenues dans le capital de la SOMAÏR, en tenant compte de toutes les obligations légales qui leur incombent à l’échelle nationale notamment les frais de réhabilitation des sites miniers ». Aucun détail n’a cependant été fourni sur les modalités de calcul de cette indemnité, alors que le gouvernement nigérien reproche d’ores et déjà à Orano une violation de ses obligations en matière de réhabilitation de la mine de COMINAK. Il s’agit d’un autre site nigérien d’uranium exploité jusqu’en 2021 par le groupe français.

Des sources ont évoqué ces derniers mois l’intérêt de différentes parties, notamment la Russie (pays dont le Niger s’est rapproché depuis le coup d’État), pour l’uranium de la SOMAÏR. Le gouvernement n’a pas encore dévoilé de plans concernant l’avenir de cette société et indique que la direction actuellement en place continuera d’assurer la gestion en attendant le transfert de la société aux nouveaux responsables.

 

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