Les banques peuvent désormais ouvrir une succursale dans toute la CEMAC avec un seul agrément

Les banques peuvent désormais ouvrir une succursale dans toute la CEMAC avec un seul agrément

Une banque implantée dans un pays de la CEMAC peut désormais ouvrir une succursale dans les 5 autres États membres avec un seul agrément. La réforme marque un tournant pour l’intégration bancaire et ouvre l’accès à un marché de 60 millions de consommateurs à ces institutions financières.

Depuis le 1er janvier 2025, les banques opérant dans la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) peuvent étendre leurs activités à l’ensemble des 6 pays membres sans avoir besoin d’un nouvel agrément. Une réforme qui vise à renforcer l’intégration bancaire régionale et à dynamiser le secteur financier, mais qui suscite aussi des interrogations quant à son impact sur les banques locales et la stabilité du système bancaire.

Une mesure pour fluidifier le marché financier régional

La décision, prise par la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC), s’inspire du modèle déjà en place dans l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) depuis 1999. Désormais, une banque agréée dans un des six États de la CEMAC (Gabon, République du Congo, Tchad, Guinée équatoriale, Cameroun, Centrafrique) peut ouvrir des succursales et proposer ses services dans les autres pays de l’organisation sans passer par de nouvelles procédures administratives.

L’objectif affiché est de faciliter l’expansion des banques et d’harmoniser un marché financier sous-régional de plus de 60 millions de consommateurs. Une simplification qui devrait, selon les autorités monétaires, encourager les établissements à élargir leur réseau et à proposer des services mieux adaptés aux besoins des entreprises et des particuliers.

« L’agrément unique est une opportunité pour les banques de la région, qui pourront développer plus rapidement leurs activités dans plusieurs pays sans être entravées par des démarches longues et complexes. C’est ce qui est cohérent pour une zone monétaire commune. Cela donne aux banques un accès à 60 millions de consommateurs » souligne Idriss Linge, Directeur des rédactions à l’Agence Ecofin et fin connaisseur du marché bancaire de la CEMAC. Mais la réforme bénéficie avant tout aux grandes banques déjà solidement implantées dans la région.

Un marché encore dominé par quelques grands acteurs

Si 54 banques ont été recensées dans la zone CEMAC fin 2023, le secteur est largement dominé par une poignée d’acteurs transnationaux dont BGFI, Société Générale, Ecobank et UBA. Ces groupes détiennent plus de 80% des actifs bancaires de la région et se trouvent en première ligne pour profiter de l’agrément unique.

L’intégration bancaire pose un autre défi majeur : le risque de contagion en cas de crise financière. Avec l’agrément unique, une banque en difficulté dans un pays pourrait rapidement propager ses problèmes à l’ensemble de la région. Or, la solidité du secteur bancaire local reste relative. En 2023, les actifs bancaires en CEMAC ont atteint 22 401 milliards FCFA, en progression de 11,4% sur un an. Une croissance encourageante, mais qui masque des disparités et des défis importants.

Seules 36 banques sur 54 respectaient en effet les exigences minimales de fonds propres, alors même que l’ouverture de succursales exige à priori de la banque mère une forte capitalisation. D’un autre côté, les créances douteuses restent un sujet de préoccupation. Le Cameroun capte à lui seul près de 47% des actifs bancaires, contre 21% pour le Gabon et 15% pour le Congo, tandis que la Centrafrique et la Guinée équatoriale disposent de systèmes bancaires beaucoup plus restreints.

L’un des principaux défis de la réforme sera donc d’éviter un renforcement excessif de la concentration du marché. Les banques locales, qui peinent déjà à respecter les exigences réglementaires, risquent en effet d’être éclipsées par les mastodontes du secteur, capables de capter l’essentiel des nouveaux clients et des opportunités de financement.

Quel impact sur l’accès au crédit et la bancarisation ?

Dans une région où le taux de bancarisation reste faible, avec des estimations variant entre 15 et 20% selon les pays, l’agrément unique a le potentiel de favoriser une meilleure inclusion financière. Les observateurs indiquent que la réforme pourrait conduire à une augmentation du nombre d’agences (actuellement moins de 800, largement au Cameroun) et à une diversification des services proposés, notamment via le digital et le mobile banking.

Mais l’impact réel sur le financement de l’économie reste incertain. En 2023, près de 27% des actifs bancaires étaient encore investis dans des obligations d’État, un choix privilégié par les établissements bancaires au détriment du crédit au secteur privé. Le coût du crédit demeure élevé, avec des taux d’intérêt oscillant entre 9 et 12%, ce qui limite l’accès au financement pour les PME et les particuliers.

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