
Les pays africains contribuent peu à l’opacité financière mondiale, mais en subissent massivement les effets (classement)
Chaque année, l’Afrique perd des centaines de milliards de dollars à cause de pratiques financières opaques dont elle est peu responsable. C’est ce que révèle la nouvelle édition de l’Indice d’opacité financière mondiale, qui montre que les grandes puissances économiques hébergent les principales zones grises du système.
L’ONG britannique Tax Justice Network a publié, le 3 juin 2025, son nouvel Indice d’opacité financière, qui compare 141 pays selon leur implication dans l’opacité du système financier mondial.
Contrairement aux classements qui montrent à quel point un pays est corrompu ou mal gouverné, cet indice évalue d’une part à quel point il est facile d’y faire des transactions financières cachées (comme dissimuler des revenus ou échapper à l’impôt), et d’autre part quelle est l’ampleur des services financiers proposés par le pays et utilisés dans ce type de pratiques.
Le Botswana est salué pour ses efforts : il est classé premier en Afrique et 11ᵉ au niveau mondial. Cela signifie qu’il limite fortement les possibilités d’abus financiers, tout en ayant un secteur financier actif et peu favorable aux opérations douteuses.
Dans ce contexte, le Ghana est le meilleur pays africain en termes de lois et structures limitant l’opacité financière globale, mais le volume des services financiers (1,34 milliard $) qu’il a offerts à l’international sur la période analysée lui fait occuper seulement le 8e rang des pays africains qui contribuent le moins à l’opacité financière mondiale, et le 10e rang sur les 141 pays analysés
À l’inverse, l’Algérie est la moins bien notée parmi les pays africains. Ses services financiers sont plus modestes que ceux du Ghana (336,5 millions $), mais elle manque de mécanismes efficaces pour garantir la transparence. Elle arrive ainsi au 33ᵉ rang mondial.
De manière générale, les pays africains jouent un rôle limité dans l’opacité financière mondiale. Le gros du problème vient plutôt des grandes puissances économiques.
De manière générale, les pays africains jouent un rôle limité dans l’opacité financière mondiale. Le gros du problème vient plutôt des grandes puissances économiques.
Les États-Unis, le Royaume-Uni, le Luxembourg, Singapour et l’Allemagne sont en tête des pays qui facilitent le plus les flux financiers opaques. Suivent notamment la Suisse, Hong-Kong, la France et l’Irlande du Nord.
Lors des réunions annuelles de la BAD, Kevin Chika Urama, économiste en chef de l’institution, a rappelé l’ampleur des pertes subies par l’Afrique à cause de ces pratiques : jusqu’à 513 milliards $ chaque année, envolés dans des circuits financiers opaques.
L’Union européenne a renforcé la transparence à l’intérieur de ses propres frontières, mais se montre moins stricte lorsqu’il s’agit d’empêcher que les capitaux illicites issus d’autres régions du monde, ne vienne se loger dans ses banques.
« Les règles sont appliquées à domicile, mais contournées à l’étranger. Les pays de l’UE répriment la fraude fiscale chez eux tout en fermant les yeux lorsqu’elle vient d’ailleurs », déplore Moran Hariri, directrice adjointe de Tax Justice Network.
« Les règles sont appliquées à domicile, mais contournées à l’étranger. Les pays de l’UE répriment la fraude fiscale chez eux tout en fermant les yeux lorsqu’elle vient d’ailleurs »
L’indice critique fortement les États-Unis, en particulier sous l’administration Trump, accusée d’avoir bloqué les réformes visant à instaurer une coopération fiscale mondiale plus juste. « La démocratie américaine est capturée par les milliardaires, les fraudeurs fiscaux et les blanchisseurs d’argent. Le gouvernement a même affaibli volontairement le fisc (IRS), qui ne peut plus faire respecter la loi face aux plus grandes entreprises », affirme Alex Cobham, directeur de Tax Justice Network.
L’Indice d’opacité financière, mis à jour tous les deux ans, classe les pays et territoires selon leur contribution à l’opacité financière mondiale.
Il repose sur 20 indicateurs répartis en quatre grands domaines :
L’enregistrement des actifs et de leurs propriétaires,
La transparence des entreprises,
La régulation fiscale et financière,
La coopération avec les normes internationales.
En mettant en lumière les zones grises du système financier mondial, cet indice vise à encourager les réformes et à protéger les pays vulnérables, notamment en Afrique, contre la fuite massive de leurs ressources.
Le premier est celui qui favorise le moins l’opacité financière.
Rang Africain | Pays | Indice mondial |
1 | Botswana | 131 |
2 | Rwanda | 118 |
3 | Gambia | 117 |
4 | Liberia | 116 |
5 | Tunisia | 110 |
6 | Cameroon | 94 |
7 | Seychelles | 86 |
8 | Ghana | 84 |
9 | Morocco | 63 |
10 | Mauritius | 51 |
11 | South Africa | 48 |
12 | Angola | 46 |
13 | Kenya | 45 |
14 | Nigeria | 42 |
15 | Egypt | 41 |
16 | Algeria | 33 |