
Mines, énergie, francophonie : Madagascar au cœur des ambitions françaises dans l’océan Indien
Madagascar a lancé il y a deux semaines les festivités marquant le 65e anniversaire de l’indépendance vis-à-vis de la France. Ces réjouissances, qui sont clôturées ce 26 juin (fête nationale) par une parade militaire, auront une portée encore plus symbolique cette année. Avec le retour attendu en août des trois crânes sakalava et la récente visite du président français Emmanuel Macron, la Grande Île a en effet achevé de pacifier ses rapports avec l’ancienne métropole. Économie et francophonie s’imposent désormais comme moteurs d’un partenariat que Paris et Antananarivo veulent « orienter vers l’avenir ».
Un décret publié le 2 avril dernier par le gouvernement français a fini de régler un enjeu politique et symbolique à Madagascar. Il s’agit du décret de restitution de trois crânes conservés au Musée de l’Homme, à Paris, en l’occurrence ceux du roi Toera de Madagascar et deux de ses guerriers. Le processus de restitution de ces dépouilles a commencé en 2003 par une requête des descendants sakalava. Les choses se sont accélérées ces dernières années, à la faveur de l’essor d’un mouvement international de restitution des biens culturels africains spoliés durant la colonisation. En France, le Parlement a adopté en décembre une loi destinée à faciliter la sortie des restes humains issus des collections publiques.
Panser les séquelles du passé
Au-delà des considérations mémorielles et culturelles, le retour des crânes sakalava vient resserrer les liens entre Madagascar et la France, après des décennies de tensions, notamment au sujet des Iles Eparses. Sous la houlette du président Andry Rajoelina, Madagascar a privilégié ces dernières années une démarche tournée vers l’avenir, en considérant sa relation avec la France comme un atout.
Madagascar a privilégié ces dernières années une démarche tournée vers l’avenir, en considérant sa relation avec la France comme un atout.
La visite d’État qu’Emmanuel Macron a effectuée fin avril à Antananarivo, en marge du sommet des chefs d’État de la Commission de l’océan Indien, s’est inscrite dans cette logique. La restitution des crânes, initialement prévue avant le déplacement, mais repoussée de quelques mois pour respecter les rites sakalava, n’a pas empêché le chef de l’État français d’évoquer le sujet. Il a aussi et surtout exposé les nouvelles ambitions du partenariat franco-malgache.
« Cet agenda des restitutions, nous le poursuivrons et il est jumeau de la coopération muséale renforcée que nous voulons entre nos deux pays. Pour autant, les brûlures du passé ne consumeront en rien les liens qui nous unissent, et la France demeure l’un des principaux partenaires économiques de Madagascar, à travers des échanges bilatéraux qui, ces trois dernières années, ont dépassé le milliard d’euros par an, et j’en suis très fier », a souligné Emmanuel Macron.
« La France demeure l’un des principaux partenaires économiques de Madagascar, à travers des échanges bilatéraux qui, ces trois dernières années, ont dépassé le milliard d’euros par an, et j’en suis très fier »
Si les échanges commerciaux se sont effectivement accrus, portés par le textile et les produits agroalimentaires, Madagascar et la France envisagent désormais un lien économique plus soutenu, notamment dans des secteurs stratégiques pour les deux pays.
Énergie, Francophonie, Mines
Deuxième producteur africain de nickel et de graphite, Madagascar héberge aussi des réserves de terres rares, autant de minéraux indispensables à la transition énergétique. Si Antananarivo assure qu’il n’y a encore aucun accord, le président Macron n’a pas caché sa volonté de « développer des filières [et de nouer] un partenariat en matière de terres rares, de minerais critiques » entre les deux pays. Il faut dire qu’avec ses partenaires de l’Union européenne, la France veut réduire la dépendance à la Chine et diversifier ses sources d’approvisionnement, dans un contexte de rivalités croissantes autour de ces ressources.
En attendant, la relation orientée vers l’avenir que tissent Paris et Antananarivo se déploie sur d’autres terrains. Pour Antananarivo, le partenariat avec la France a pour objectifs prioritaires des investissements plus importants dans l’énergie, le numérique et les infrastructures. À l’occasion de la visite d’Emmanuel Macron, les deux gouvernements ont ainsi scellé « plusieurs accords importants » dans ces différents secteurs.
Pour Antananarivo, le partenariat avec la France a pour objectifs prioritaires des investissements plus importants dans l’énergie, le numérique et les infrastructures.
À travers un soutien financier de l’Agence française de développement (AFD), et un prêt du Trésor français, Paris accompagnera ainsi Madagascar dans la construction du barrage hydroélectrique de Volobe. Le producteur français d’électricité EDF devrait également rejoindre ce projet, en investissant entre 525 et 700 millions d’euros pour obtenir 37,5 % dans le capital du consortium chargé du barrage. Sur le volet infrastructures, la question de la rénovation de deux lignes ferroviaires construites par la France entre 1901 et 1913 a été évoquée, de même que l’idée d’un partenariat permettant à Madagascar d’approvisionner l’Hexagone en métaux stratégiques.
Sur les questions de défense et de francophonie, les deux capitales veulent donner du corps à leurs déclarations. Depuis trois ans, près de cent cinquante stagiaires malgaches suivent chaque année des formations dans les écoles militaires françaises. Cette coopération sécuritaire s’étend aussi à la protection civile, comme l’ont montré les moyens d’appui dépêchés par le gouvernement malgache vers l’île française de La Réunion, après les cyclones Chido et Garance.
Depuis trois ans, près de cent cinquante stagiaires malgaches suivent chaque année des formations dans les écoles militaires françaises.
Le socle linguistique commun nourrit la même logique d’alliance. Madagascar abrite le réseau d’Alliances françaises le plus dense d’Afrique subsaharienne et vient d’inaugurer, à Antananarivo, un nouveau bâtiment dédié à la francophonie.
Madagascar abrite le réseau d’Alliances françaises le plus dense d’Afrique subsaharienne et vient d’inaugurer, à Antananarivo, un nouveau bâtiment dédié à la francophonie.
Les deux pays inscrivent enfin l’océan Indien au centre de leur agenda partagé, qu’il s’agisse de lutter contre la pêche illégale ou de préparer ensemble le Sommet de Nice sur les océans.
La commission mixte franco-malgache attendue le 30 juin à Paris devra montrer que la confiance affichée survive au dossier sensible des îles Éparses. Alors que le gouvernement malgache réclame une cogestion qui reste à définir, la capacité des deux pays à avancer sur ce dossier, ainsi qu’à concrétiser les investissements annoncés, pourrait finir de matérialiser une relation franco-malgache rénovée.